Atelier Cécile Derrien

Avez-vous déjà envisagé l’aménagement de l’espace comme « l’écriture d’une histoire visuelle inspirée de la nature » ? Explication par Cécile Derrien, architecte d’intérieur à Toulouse.

Avec pour fil conducteur, l’ancrage du projet dans son environnement, le travail des matériaux artisanaux ainsi qu’une touche de réemploi lorsque cela s’y prête, l’architecte Cécile Derrien insuffle dans chaque détail d’un intérieur : la minéralité du site, sa végétalité, sa colorimétrie, comme une évocation. 

© Marion Saetele

Quelle est votre vision de l’architecture ?

Je privilégie avant tout une architecture de territoire afin qu’il n’y ait pas de déconnexion entre les particularités paysagères d’un site et l’aménagement intérieur. Pour ce faire, j’observe avant tout l’architecture vernaculaire et je m’inspire des éléments du paysage : vert grisâtre d’un lichen, bleu givré des embruns, reflets changeants de l’eau, etc. 

Comment se manifeste-t-elle dans vos projets ?

Pour la Villa Océan, projet de rénovation d’une demeure des années 30 située à La Baule, nous avons notamment co-designé, avec Laura Demichelis, des appliques en verre soufflé rouge, qui extrapolent les ondulations de l’eau. Autre exemple, dans l’escalier qui conduit à l’espace nuit, j’ai proposé au propriétaire d’installer  en guise de « marche bloc », une pierre de meule en granit breton trouvé à proximité.

© Frenchie Cristogatin

Quels sont les matériaux utilisés ? 

Mon atelier, situé sur la place Lange, est un véritable laboratoire de matériaux d’architecte. Étant bretonne, du bord de mer, j’ai un rapport particulier aux jeux d’ombre et de lumière. À travers mes projets, l’idée est toujours de partir de matériaux artisanaux et produits sur mesure, pour évoquer le paysage environnant. Aussi, le choix des matières, pour un projet, débute forcément par un diagnostic du site. Cela permet la définition de lignes directrices fortes.

Quid du réemploi de matériaux ?

Le fait de privilégier la rénovation est un engagement social et écologique. Le réemploi aussi. Mais c’est en fait du « bon sens paysan », pour moi, il n’est pas seulement un impératif ou un objectif chiffré. Faire avec le « déja-là » doit être source de créativité pour offrir de l’authenticité et une note d’inattendu aux projets de mes clients. L’idée, c’est de raconter une histoire à partir de la matière. 

© Baptiste Dété

Autre Rive, poésie minimaliste

Pour le projet de la librairie de la Cartoucherie, lʼAtelier Cécile Derrien a pris le parti de décliner une poésie industrielle minimaliste. 

Les tonalités froides, en écho aux matériaux industriels (métal, miroirs, verre), sont adoucies par le mobilier en bois, et rehaussées par le raffinement des reflets. 

Le bois et le miroir sont, pour la majeure partie, issus de la filière de réemploi et mis en œuvre par Jordan Derrien, ébéniste et partenaire de toutes les aventures. 

Dans la deuxième nef, plus intime, une mystérieuse installation suspendue est le fruit du savoir-faire de TiPii Atelier. « Faire lumière », une façon de rendre hommage au passé industriel du bâtiment.

Projets locaux ou nationaux ?

Si nous insistons, avec mon équipe, sur la plus-value narrative des matériaux locaux, notre itinérance professionnelle est essentielle. Elle trouve sa pertinence dans le regard neuf que nous pouvons avoir sur un paysage, sa force pittoresque. Réécrire la dimension vernaculaire d’un lieu, c’est ce qui nourrit notre regard d’architecte. 

© Baptiste Dété

Des ambitions pour l’avenir ?

Avec ma collaboratrice architecte d’intérieur, Hélène Quatrefages, nous consacrons une partie de notre temps à rechercher – en théorie et en pratique – le rapport qui existe entre la matière dans l’assiette et la matière en architecture. Pour le restaurant Donna (Paris 3), par exemple, nous avons transposé, dans l’aménagement intérieur, la frugalité et le caractère brut des produits frais et des vins vivants. Nous continuerons ce travail en 2024 avec des acteurs de la restauration engagés comme nous à répondre à l’urgence écologique et attachés à faire valoir un territoire.

Contacter l’Atelier Cécile Derrien

Visite sur rendez-vous

6 bis, place Lange – 31300 Toulouse

téléphone : 06 33 92 65 12

e-mail : atelier@cecilederrien.com

site web : cecilederrien.com – instagram : @cecilederrien


Optimiser l’espace de son habitat

Voici quelques petites astuces pour optimiser un espace de vie trop étriqué.

C’est un fait, la surface de nos habitations tend à diminuer. Loin d’être une fatalité, c’est avant tout l’occasion de repenser la décoration pour la rendre aussi bien esthétique que pratique.

© COAT

Pièce multifonction

Si votre intérieur vous semble trop étriqué, commencez par envisager de faire tomber quelques cloisons. Il peut être avantageux d’ouvrir la cuisine sur la salle à manger, et la salle à manger sur le salon, afin de créer un grand espace de vie lumineux. Les cloisons amovibles telles que les paravents, ou tout en transparence comme les claustras et les verrières, peuvent également s’avérer très utiles. Vous pouvez également penser à libérer une petite pièce servant de bureau afin de la transformer en un grand dressing. Le bureau pourra quant à lui trouver sa place dans un coin du salon grâce à des meubles discrets conçus à cet effet.

© Leroy Merlin

Décoration minimaliste

Pour créer une sensation d’espace, soyez malin et minimaliste. Optez pour des meubles escamotables ainsi que pour des objets nomades tels que des lampes, des tabourets et de petites tables d’appoint. Il sera ainsi facile de les déplacer d’un espace à l’autre, en évitant ainsi d’encombrer l’espace. Privilégiez les rangements muraux pour libérer le sol et donner une impression de hauteur. Un tapis de couloir très long et coloré créera quant à lui une impression de profondeur. L’éclairage et les miroirs contribuent de leur côté à agrandir visuellement l’espace.

© Artek

REGARD D’EXPERT

Emmanuelle Kleinberg – Créatrice de l’agence Maloédesign

Designer d’intérieur et décoratrice, Emmanuelle Kleinberg place l’ergonomie et l’esthétique sur une même échelle de valeur. Un principe qui lui apparaît comme le fondement même du design d’intérieur : « On peut partir d’un objet qui a du sens, et agencer l’espace en fonction de celui-ci. Sans ergonomie et sans rangement, il n’y a pas de design. Sans histoire, il n’y a pas de décor. »

L’optimisation de petits espaces, une contrainte ou un challenge ?

Il est parfois plus facile pour moi d’agencer de petits espaces. Les contraintes, c’est ce qui me fait créer. Il n’existe pas que des contraintes d’espace, mais aussi des contraintes techniques à conjuguer avec les souhaits du client. Je viens du marketing et lorsque l’on envisage de créer des produits pour une cible, on étudie d’abord la cible puis les contraintes du marché. C’est comme un entonnoir où, à la fin, on propose le bon produit, au bon prix, au bon endroit et pour la bonne personne. C’est ainsi que je conçois mon travail de designer d’intérieur.

© David Nakache

Est-ce une problématique que vous rencontrez fréquemment ?  

Oui, et d’ailleurs je commence toujours par le rangement quand je débute un projet. Je dis souvent à mes clients « d’abord on va ranger puis on va décorer ». Une autre de mes phrases culte, c’est aussi : « Sans ergonomie et sans rangement, il n’y a pas de design ».  C’est surtout dans les petits espaces qu’il faut créer du rangement. Et c’est là que le meuble sur mesure et mon travail de designer interviennent. 

Comment ne pas encombrer visuellement l’espace tout en proposant un maximum de rangements ? 

C’est tout l’art du designer que de dessiner des meubles sur mesure, mais également de trouver du mobilier et accessoires aux bonnes proportions. Il s’agit aussi d’utiliser la lumière et la couleur, ou même des miroirs, pour donner des effets de grandeur. En dessinant en 3D et en concevant des meubles sur mesure, je peux ainsi travailler le moindre recoin et l’optimiser. Cela m’arrive souvent dans des entrées et c’est ce qui m’anime !  

Quelles autres solutions que le sur-mesure pour optimiser un petit espace ? 

Il m’est aussi arrivé de préconiser des lits escamotables qui se transforment en bureau quand ils se replient, des lits en hauteurs pour dégager de la place dans les chambres d’enfants, ou encore des rangements muraux détournés comme des caisses de vin utilisées pour créer un mur d’étagères.

Quelles sont les astuces à connaître dans chaque pièce de la maison ?

Pour la chambre – Privilégier un lit coffre où l’on pourra ranger les couettes en été et ainsi faire de la place dans le dressing

Pour la salle de bain – Utiliser les murs pour y fixer des meubles de faible épaisseur, afin d’y ranger tout ce qui est flacons et bouteilles.

Pour l’entrée – Acheter des rangements muraux à chaussures de faible profondeur, changer les poignées et faire découper une planche de bois à fixer par-dessus afin d’obtenir un meuble 2 en 1, servant à la fois de rangement et de console pour l’entrée.

Pour créer un espace bureau – Les étagères bureaux secrétaires sont très efficaces.

Pour la cuisine – Je crée et dessine moi-même les espaces de rangement que je fais réaliser par des menuisiers bois afin d’optimiser l’espace jusqu’au plafond.

Pour la salle à manger – Utiliser des bancs pour un gain de place.

© David Nakache

L’une de vos plus belles réalisations pour optimiser l’espace ?

Dans un magnifique appartement haussmannien du centre de Toulouse, la cuisine faisait aussi office de lieu de passage menant de la pièce à vivre jusqu’aux chambres. J’ai donc voulu créer un espace à la fois fonctionnel et décoratif. L’endroit était non seulement exigu, mais aussi pourvu de nombreuses contraintes techniques : chauffe-eau à camoufler, murs porteurs à ne pas toucher, mur de briques à mettre en valeur, une grande hauteur sous plafond, et une table pour les repas informels d’une famille de quatre personnes. J’ai même conçu la hotte aspirante et escamotable sur le plan de travail ! Quant aux meubles ils sont blancs afin pouvoir faire évoluer la décoration au fil du temps grâce aux lustres, poignées, et papier peint.

Un autre exemple à partager ?

Dans une ancienne toulousaine du quartier des Chalets, je devais créer du rangement dans un couloir n’excédant pas un mètre de large. Une arche m’a permis de délimiter l’espace entrée, sans le cloisonner, et de créer des placards dissimulés où chaque chose est à sa place. J’ai aussi pu ajouter des niches afin d’accueillir des accessoires de décoration ou des objets chers à mes clients. Du pratique et de l’esthétique ! Placer l’ergonomie et l’esthétique sur la même échelle de valeur, c’est la définition même de designer d’intérieur.

© David Nakache