Toulouse en toile de fond, dans cet appartement d’architecte où le paysage habite l’espace.
Bien que captivé par le panorama, il est impossible d’ignorer les prestations de cet habitat d’exception. Eris Guiraud, propriétaire et architecte, n’a pas hésité à faire appel aux artisans passionnés avec lesquels elle aime travailler. Elle signe un appartement à son image, où l’élégance n’a d’égales que l’épure et la délicatesse. À l’occasion de ce reportage, Alexia Saurat, de la Maison Makeba, a investi les lieux avec les œuvres d’artistes locaux
Genèse du projet
Lorsqu’en 2020 Eris Guiraud passe pour la première fois le pas de cet immeuble de style international, elle y trouve tous les préceptes de l’architecture moderne indispensables au mode de vie contemporain qu’elle envisage. Connu sous le nom « Les Américains », il fut édifié dans les années 70 par les architectes Bernard Bachelot et Alexis Dauche. Après la visite d’un appartement de la tour, et une négociation infructueuse, cette adresse devient alors son obsession. Une année de patience sépare l’acquisition de son appartement, situé à l’angle sud-ouest du même étage, de l’ouverture du chantier. Un appartement conçu entre deux dalles de béton, dans un pur style fonctionnaliste.
Une vue à couper le souffle
Le coup de cœur avait frappé avant même qu’Eris Guiraud ne visite cet appartement de 90 m2. Situé en plein cœur de Toulouse, il bénéficie d’une vue à à 270° sur les toits de la Ville rose. « Trouver un emplacement central, bénéficiant d’une vue dégagée et permettant à ses occupants de se sentir hors d’atteinte de l’agitation urbaine, paraissait illusoire. Pourtant, je me trouve aujourd’hui dans un espace où il suffit de tendre la main pour saisir la place Wilson, et de porter son regard au loin pour rencontrer la chaîne des Pyrénées. Le panorama à lui seul a été l’impulsion de ce projet. » explique Eris Guiraud.
Continuer l’histoire
« Le travail de rénovation d’un lieu tient à la bonne compréhension de son histoire. Afin de la poursuivre, il convient de ne rien renier de son passé. Et même s’il a fallu convoquer le chaos pour trouver le sens, le déroulé du projet a naturellement distribué les pièces à leur place originelle. Plus de 10 tonnes de gravats ont dû être descendues pour repartir d’un plateau nu ! » Une nouvelle séquence d’entrée a été pensée, l’arrivée se faisant par un vestibule ouvert. Ce dernier est muni d’un vestiaire, marqué d’un côté par une arche bibliothèque annonçant le séjour et, à l’opposé, une porte dissimulée à fil de cloison menant vers la partie nuit.
Des travaux de réhabilitation
Des épaisseurs ont permis d’intégrer des linéaires de rangement et de dissimuler la lourde réfection technique. Des creux, pour l’insertion de bureau et de niches décoratives, ont également vu le jour. Quant à la cuisine et aux pièces d’eau, elles ont été décloisonnées afin d’appartenir pleinement au séjour et aux chambres et de bénéficier de plus de lumière. « Pour faire écho à la façon d’envisager la vie quotidienne, il s’agissait de donner une part de sincérité à la réponse architecturale. J’ai pour souci constant d’honorer ce qui est déjà là en mettant en valeur les éléments constitutifs du lieu. Ici, les poteaux, la dalle et les points porteurs ont été exhumés de leur caisson d’habillage en plâtre, puis nettoyés. Ils marquent de leur présence la pièce à vivre et les chambres, à l’image de la section du voile en béton banché qui fait office de tête de lit dans la suite. »
Mise en lumière
La lumière est également l’un des acteurs fondamentaux du projet, guidant le choix des matières. « Au cours de la journée, les ombres s’étirent et se répandent partout. La surface pour les accueillir se devait d’être mate, dans une teinte minérale des plus claires. » L’implantation des appliques, des points et des gorges lumineuses a été scrupuleusement déterminée pour favoriser un éclairage indirect et ciblé.
En surface
« La volonté de lier l’ensemble des espaces de l’appartement par une matière unique a permis de mettre en avant le savoir-faire de Sylvain Fremillon, artisan et dirigeant de l’entreprise Sol et Matières. C’est lui qui a exécuté l’harassante réalisation du coulage de mortier fluide coloré pour le revêtement de sol. Pas moins de 200 sacs de mortier ont dû être acheminés ! » Toujours dans un souci d’harmonie, les étagères, en noyer en été choisies de sorte à faire écho à la couleur des menuiseries d’origine. L’îlot central, en grès cérame, répond à la crédence de la cuisine ornée du même matériau. Le platelage du balcon extérieur, réalisé par Louis le Charpentier, est quant à lui en bois de châtaignier. « Il a été volontairement placé à la même altimétrie que l’intérieur pour observer une continuité du sol. » précise la propriétaire.
Architecture et dualité
« L’architecture s’ouvre naturellement aux autres arts et se nourrit de tous les savoir-faire. L’artisanat, l’art du geste et l’intelligence de la main me passionnent. J’ai ponctué le projet de retraits et d’avancées faisant office de cimaises et d’étagères pour les objets et les céramiques que j’affectionne. J’ai à cœur de montrer qu’un environnement minéral, aux matériaux bruts, peut être des plus sensibles et des plus accueillants. Cette dualité me fascine et définit au mieux le travail d’épure des espaces que je mène depuis bientôt 10 ans pour initial architecture. »
Maison Makeba
« Aménager son intérieur est une affaire de sensibilité et de rencontres. Alexia Saurat, de la Maison Makeba, m’a présenté la délicate sélection d’œuvres qu’elle pensait pouvoir me correspondre et répondre au lieu. La façon d’investir l’angle vitré du séjour devait être la plus fine possible. Je m’y tiens chaque matin, un café à la main, et j’excluais d’encombrer mon site d’observation. Alexia a très justement proposé Ricky, un tapis d’Atelier Février aux dégradés pastel proches du sol crayeux. Cette surface horizontale de laine d’Himalaya et de soie est complétée par un lampadaire en érable tourné et sculpté de Wild Thing, imaginé par Pauline Piétri. Il relance la verticalité du pilier béton et donne corps à mon emplacement favori. » Lorsque l’architecture et la décoration s’accordent, l’harmonie règne en maître.