Le Muséum du Pastel de Labège vise à faire découvrir aux curieux du monde entier, l’histoire oubliée d’un trésor du patrimoine occitan : la plante Isatis tintoria L., aux vertus colorantes et médicinales.
Le Muséum du Pastel voit le jour en 2013, sous l’impulsion de Sandrine Banessy et du mécène, Jean-Jacques Germain. Depuis, le lieu reçoit des visiteurs venus des quatre coins de la planète pour voir la vie en bleu, aux portes de la ville rose.
Il était une fois une fleur jaune…
L’histoire du bleu pastel commence avec une fleur : Isatis tinctoria L., connue sous le nom de guède ou de pastel des teinturiers, d’herbe de Saint-Philippe, de varède, ou encore d’herbe du Lauragais. Fleur aux pétales jaunes, le pastel est cultivé dans le Lauragais depuis le XIIe siècle, assurant jusqu’au milieu du XVIe siècle, la fortune de quelques marchands toulousains.
Pour Sandrine Banessy*, il était essentiel de faire voir le jour à un lieu qui permette aux visiteurs de comprendre les secrets oubliés de la fleur de cocagne : « Le Muséum du Pastel nous plonge dans la magie du bleu, de la préhistoire à nos jours, car le pastel est l’une des premières plantes utilisées par l’Homme », précise-t-elle.
*Secrétaire perpétuelle de l’Académie des Arts & des Sciences du Pastel, conférencière et auteur de nombreux ouvrages sur le patrimoine.
…aux feuilles vertes prodigieuses
En janvier 2022, la teinture au pastel a été mise à l’honneur par le ministère de la Culture via une labellisation au patrimoine immatériel de France. Malgré cela, les connaissances du grand public concernant Isatis tintoria L. demeurent restreintes.
« Paradoxalement, les capacités tinctoriales et médicinales de la plante se trouvent dans ses feuilles. Des recherches montrent que lorsque les feuilles sont abîmées, elles développent un bouclier de défenses qui lui confère des propriétés anti-UV, antiseptiques, antibiotiques, anti-inflammatoires et de reconstruction cellulaire », souligne Sandrine Banessy.
Si les vertus du pastel des teinturiers sont connues de longues dates, c’est aussi l’un des objectifs du Groupe Terre de Pastel, de les qualifier précisément et de les quantifier, via la recherche et le développement (R&D).
Qui colorèrent en rose la région
À Toulouse comme en région, les hôtels particuliers, parmi lesquels le célèbre hôtel d’Assézat ou encore l’hôtel de Bernuy, se font aujourd’hui encore, les témoins des grandes heures de l’or bleu. Avec les capitouls et les parlementaires, les marchands de pastel auront contribué à faire de Toulouse, la « Ville rose », coloris des briques foraines utilisées pour bâtir les fastueux édifices de l’époque.
À partir de 1559 pourtant, le pastel amorce un vertigineux déclin : pratiques délictueuses – certains négociants lestent de sable l’agranat* – et mauvaises récoltes – des pluies diluviennes noient le Lauragais – ne peuvent que conduire au krach boursier, entraînant la ruine en pays d’oc. En 1562, les guerres de Religion contre les protestants causent des persécutions auxquelles les pastelliers n’échappent pas. L’indigo venu du Nouveau Monde s’impose alors dans les cuves de bleu.
*Pâte granuleuse noirâtre utilisée pour la teinture pastel, issue de la fermentation de la boule cocagne.
Du bleu plein les yeux, d’hier à aujourd’hui
Le bleu n’est-il pas l’une des couleurs les plus insaisissables qui existent ? « On le voit mais on ne peut le saisir. Les visiteurs le comprennent d’autant plus avec le jeu du t-shirt : il est facile de tâcher un textile de brun ou de jaune. Mais les sources de bleu sont rares dans la nature. Et pour teindre un textile de cette couleur, il faut savoir préparer l’indigotier, la renouée ou la fleur de pastel », explique la conceptrice du musée.
Zoom sur la marque Bleu Par Nature
La marque de cosmétique Bleu Par Nature, développée par la société toulousaine Terre de Pastel, a annoncé – à l’occasion de ses 10 ans en 2023 – la construction d’un hôtel cinq étoiles à Buzet-sur-Tarn.
Cet établissement haut de gamme s’inscrit dans un projet global de domaine agricole : culture du pastel, restaurant étoilé du chef Guillaume Monboisse, spa comprenant près de 15 cabines de soins.
Aux commandes de ce projet d’ampleur : Jean-Jacques Germain, fondateur de Bleu par Nature et président l’Académie des Arts & des Sciences du Pastel.
Il existe bien sûr des animaux et des plantes arborant des teintes bleutées : martins-pêcheurs, mésanges, libellules demoiselles… Ou encore iris, gentianes, myosotis et véroniques. Que les artistes peintres ont pu reproduire avec beaucoup de réalisme grâce à l’azurite, à l’outremer ou encore au bleu de Prusse. Ces pigments, s’ils permettent de peindre, sont toutefois incapables de « teindre ».
Les ateliers organisés par le Musée du Pastel sont l’occasion d’expérimenter une teinture, et de constater à quel point le procédé est accessible : « On ne peut pas manquer une teinture au pastel ! », affirme Sandrine Banessy. L’occasion pour le visiteur de repartir avec sa création, et de découvrir dans la boutique attenante, toutes les possibilités offertes par la plante : gamme de cosmétiques, bijoux faits de cire teintée dans la masse, …
Du bleu au vert, en quelques étapes
Les bleus de la tapisserie de Bayeux prouvent, s’il le faut, à quel point le pastel permet de teindre durablement une fibre textile. « On le sait moins mais le bleu du pastel est aussi la base pour obtenir du vert, du bordeaux ou du noir. On teint d’abord avec ce bleu, naturellement fait pour résister. Puis, on procède à une seconde teinture : à base de gaude – qui teint le tissu en jaune – par exemple. Ceci afin de parvenir à la couleur finale souhaitée, du vert dans ce cas », détaille Sandrine Banessy.
Se rendre au Muséum du Pastel de Labège
629 rue Max Planck – 31670 Labège – 05 62 88 01 82 – museum@terredepastel.com – site web : www.terredepastel.com/fr/museum/