À la frontière de l’Occitanie, sur la rive opposée du Rhône, se trouve l’Arlatan. Cet hôtel singulier, niché dans le cœur historique de la ville d’Arles, a été imaginé par le célèbre designer Jorge Pardo sur invitation de Maja Hoffmann, propriétaire des lieux.
Fondatrice de LUMA Arles, Maja Hoffmann a souhaité confier la réhabilitation de L’Arlatan à Jorge Pardo, lui laissant carte blanche pour y exprimer tout son art. La conception de l’ensemble des espaces, des œuvres et du mobilier, relève en effet du geste d’un artiste. Les 6 500 mètres carrés de l’établissement sont notamment revêtus d’une gigantesque mosaïque constituée de plus de deux millions de fragments de mosaïque vernissés et fabriqués à la main. De cette explosion de couleurs, de formes et de lumière naît une œuvre totale. Un voyage magique à travers l’art, l’histoire et la richesse de diverses cultures.
Un hôtel pensé comme une œuvre d’art
C’est en octobre 2018 que L’Arlatan a officiellement ouvert ses portes. Situé rue du Sauvage, entre le Rhône et l’amphithéâtre romain, l’hôtel est adossé à l’un des murs antiques des Thermes de Constantin. L’établissement compte désormais 35 chambres, ainsi qu’un bar et un restaurant. Les différents bâtiments s’articulent autour d’un magnifique patio, d’un escalier majestueux et de salons au charme incomparable. Plusieurs architectes ont contribué à ce projet aux côtés de Jorge Pardo, parmi lesquels l’arlésien Max Romanet, ainsi que Renzo Wieder.
Concilier création et préservation
Les travaux, qui ont débuté à la fin de l’année 2015, auront duré trois ans. Les parties historiques de l’hôtel étant classées et protégées par le Patrimoine Mondial de l’Unesco, Jorge Pardo a dû adapter sa création afin de préserver le bâtiment d’époque et de le faire exister dans son projet. La restauration des plafonds d’époque à l’identique, grâce à une technique de pigmentation, fait partie des principaux travaux de rénovation. La charpente en bois du bâtiment a également été intégralement restaurée. Les murs antiques ont été conservés, et la coursive ouverte sur le patio. Un escalier monumental a aussi été imaginé par l’artiste, afin de mettre en valeur le mur et la colonne antiques qui le tutoient.
Révéler l’histoire des lieux
Le bâtiment a régulièrement fait l’objet de fouilles archéologiques. En 1988, la famille Desjardins a notamment découvert d’importants vestiges romains, dont la Basilique civile, des socles de statues et de fontaines en sous-sol, ainsi que le dallage d’un petit forum. Les trois années de travaux de L’Arlatan ont également permis de révéler des solives ouvragées et des poutres peintes, de même qu’une galerie du XVe siècle ouverte sur une cour intérieure pavée. Dans l’aile opposée, un pan de mur romain, les vestiges d’une colonne antique et un four à pain médiéval coexistent en toute harmonie avec un l’escalier monumental conçu par de Jorge Pardo. De la demeure initiale du XVe siècle subsistent quatre corps de logis encadrant une cour restaurée, ainsi que des éléments d’un escalier à vis, une loggia, et quelques fenêtres à meneaux remaniées.
Des bâtiments témoins du passé
L’Arlatan puise ses origines à l’époque romaine. Le bâtiment aurait été construit sur les vestiges du Palais des Souverains de Provence, palais impérial de l’empereur Constantin édifié sur les ruines de la Basilique civile, agora où se réunissaient les Romains. Au XVe siècle, l’édifice est un hôtel particulier appartenant au roi René d’Anjou, dernier comte de Provence. En 1444, celui-ci l’offre à Jean d’Arlatan, son premier maître d’hôtel. Cinq ans plus tard, un embellissement des peintures, des fresques et des plafonds est réalisé par Nicolas Ruff, peintre arlésien. En 1841, c’est un notaire, Jean-Baptiste Chapus, qui en fait l’acquisition. Jusqu’au premier tiers du XXe siècle, la bâtisse sert de caserne militaire. Le bâtiment redevient un hôtel en 1920, lorsqu’il est vendu à Joseph Marius Saulcy. En 2014, Maja Hoffmann en devient propriétaire et décide de créer L’Arlatan, après sa découverte de l’œuvre d’art totale de Jorge Pardo, Tecoh, dans le Yucatán.
L’univers singulier de Jorge Pardo
Jorge Pardo, né à La Havane en 1963, vit et travaille aujourd’hui entre Merida, au Mexique, et Los Angeles. Son œuvre est à mi-chemin entre l’architecture, la sculpture, la peinture et le design contemporain. Il s’appuie pour cela sur une large palette de couleurs vives, de structures éclectiques et de matériaux naturels et industriels. Jorge Pardo crée aussi bien des fresques que du mobilier, des collages et d’imposantes fabrications. L’équipe de la société Jorge Pardo Sculpture (JPS), qui a conçu le projet, était constituée d’une trentaine de personnes basées dans le Yucatán, parmi lesquelles des peintres, des architectes, des designers et des ébénistes. Le Mexique, avec ses paysages et son histoire, est l’une des principales sources d’inspiration de Jorge Pardo. On retrouve aussi des éléments de sa vie personnelle sur certains panneaux, à l’image de sa fille et de sa mère. La Camargue, Arles et l’univers de Van Gogh l’ont également beaucoup inspiré.
Des œuvres multiples
La mosaïque de l’Arlatan est sans doute l’une des œuvres les plus significatives de Jorge Pardo. Elle correspond à un prisme de 11 formes et de 18 couleurs, dessiné sur ordinateur. Afin que chaque pièce de l’hôtel puisse être singulière, chacune d’entre elles arbore des couleurs et des motifs uniques. Les fragments de mosaïque qui composent cet ouvrage ont été fabriqués par Salisa Construcciones, dans une ancienne usine mexicaine rouverte pour l’occasion. Pour distordre l’espace et apporter toujours plus de profondeur et de volume, les plafonds ont été créés à facettes. Des effets de texture et de matière qu’on retrouve aussi au travers du métal ajouré, omniprésent dans tout l’hôtel. Il s’agit de deux formes découpées au laser et déclinées dans neuf couleurs, en référence aux banderines mexicaines, des guirlandes décoratives traditionnelles.
Un mobilier d’art
Dans toutes les pièces de L’Arlatan, Jorge Pardo a peint chaque paroi, porte et armoire. Pour réaliser ces panneaux, qui représentent des scènes de vie, l’artiste s’est inspiré des tableaux de Van Gogh, de formes végétales, mais aussi d’estampes japonaises. Des œuvres également réalisées à partir de photos personnelles, sur lesquelles il est notamment possible de distinguer la silhouette de Maja Hoffmann. De ce travail colossal, appréhendé à la manière d’un récit, est né un merveilleux catalogue de lignes, de motifs et de couleurs. Chaque élément de l’hôtel est une pièce unique, à l’image des meubles de L’Arlatan. Ces derniers ont été fabriqués en guanacaste, un arbre national du Costa Rica, avant d’être joliment ciselés au laser. Ce bois tropical a été spécialement planté et coupé sur des terrains dédiés, sous la surveillance des équipes de Jorge Pardo. Chaque chambre devient ainsi une œuvre d’art à part entière, permettant de s’immerger pleinement dans le travail de l’artiste.
De la création jusque dans les verres et les assiettes
L’Arlatan abrite également un restaurant, un bar, et plusieurs petits salons. La salle de restaurant, que l’on doit à l’architecte Renzo Wieder, est notamment éclairée par de magistrales suspensions. Réalisées en plastique recyclé, elles déploient de larges corolles lumineuses teintées de jaune et d’orangé. Dans les salons en enfilade et en alcôve, plusieurs assises réalisées par Jorge Pardo côtoient du mobilier de la collection privée de Maja Hoffmann. Différents styles, matériaux et coloris cohabitent dans la plus parfaite harmonie, captant chacun le regard sans se l’accaparer. Une cheminée du XVIIe siècle renforce l’atmosphère conviviale des lieux. Le restaurant se distingue par une carte de mets simples, aux saveurs méditerranéennes de saison, parfaitement exécutés. Le bar propose quant à lui des cocktails originaux et divinement bien équilibrés, ainsi que des classiques et des réalisations sur mesure. La création habite chaque aspect de L’Arlatan, un lieu unique où l’art se cache dans les moindres détails pour le plus grand plaisir du visiteur.