Joël Fistre

Le métal dans tous ses états.

Joël Fistre, qui s’est récemment vu décerner le titre de Maître Artisan d’Art, se distingue par sa grande habileté à manier le métal sous toutes ses formes.

Dans son atelier Atmos.FER, situé à Toulouse, il conçoit des escaliers, des verrières, des portails en Corten, et des menuiseries acier aux lignes intemporelles et épurées. Rencontre avec cet artisan de talent.

© – Laurent Barranco

. Qu’est ce qui fait la perfection d’un objet ?

Dans notre métier, la notion de perfection c’est compliqué. On essaye toujours humblement de s’en rapprocher ! Ce qui fait qu’un objet est réussi, c’est quand on peut l’utiliser et qu’il se fond dans le décor avec harmonie. J’aime aussi beaucoup l’idée de pérennité. Un objet qui valorise le patrimoine, qui dure, qui se transmette et passe de génération en génération. Quelque chose de solide et de durable, dont on ne se lasse pas et qui raconte une histoire.

. La création dont vous êtes le plus fier ?

Je ne suis pas fier d’une création en particulier. Je suis fier de tout ce que j’ai fait. Chaque pièce que l’on réalise est unique, car chaque projet a une identité particulière. Là par exemple, on sort d’un chantier exceptionnel pour un escalier suspendu, à la recherche de transparence et d’une alliance parfaite entre les matières. Quant au défi suivant, il s’agit d’une maison de style Art déco ! Je répondrais donc comme le réalisateur Claude Lelouch qui dit que son meilleur film est celui qu’il n’a pas encore réalisé.

. Qu’est ce qui stimule votre créativité ?

C’est le projet en lui-même qui fait éclore les idées. Nous créons des pièces uniques qu’il faut adapter, intégrer, et loger dans des cases pas toujours prévues à cet effet. La créativité, c’est mettre tous les ingrédients sur la table et les assembler pour faire en sorte que tout soit cohérent. Rien ne vaut la maitrise d’un savoir !

. Un objet ou un outil fétiche ?

J’ai une véritable passion pour les vieux outils qui ont été utilisés par des mains expertes. Des outils que l’on n’utilise plus aujourd’hui, mais qui racontent une histoire. Des outils qui ont été utilisés pour des choses bien précises, mais qui sont désormais rangés au rayon du souvenir. Ces outils donnent exactement ce que l’on attend d’eux, avec une grande précision. On ne maltraite pas un outil, on a du respect pour lui. Dans le cadre de mon métier, je suis un amoureux du beau geste. Il y a dans le geste quelque chose de noble. Que l’on fasse bien ou mal les choses, c’est souvent la même énergie que l’on y met. Alors autant faire les choses correctement !

. Le matériau qui vous ressemble le plus ?

J’adore le métal et le bois. D’ailleurs ce sont deux matériaux qui se marient très bien. Ils possèdent cependant des caractéristiques bien différentes. Le métal, on peut l’affiner jusqu’à l’extrême. J’aime beaucoup cette idée. Lorsque l’on regarde le métal tissé, on est dans l’étoffe. C’est extrêmement fin et les applications sont très variées. Les marbrures du métal c’est comme les veines du bois. Il faut savoir les mettre en scène. Dans le bois il y a une telle variété, que lorsque l’on sort des sentiers battus on trouve des essences donnant des résultats étonnants. Aujourd’hui, le nombre de matériaux disponibles est immense. A nous d’aller les chercher, de les travailler, et de les marier pour que le résultat soit au rendez-vous.

. L’artiste qui vous inspire ?

Tout d’abord Jean Prouvé. Il a été pour moi révélateur en ce qui concerne le travail du métal, mais dans sa grande simplicité. Il a démocratisé la conception métallique au point de rendre ce matériau accessible à tous. J’aime aussi beaucoup Mathieu Mategot. Il a notamment travaillé le mobilier avec une notion de tôle perforée. Je suis également très séduit par les sculpteurs comme Giacometti et Richard Serra. Mais je peux tout aussi bien être très ému par un tableau. Récemment, j’ai vu une exposition de Basquiat dont les œuvres sont à la fois puissantes et violentes. J’aime la façon qu’il a de traiter la violence avec la couleur. L’art pour moi, c’est comme un bon vin. J’aime ou j’aime pas ! Je suis également particulièrement séduit par le travail d’un artisan qui fabrique ne serait-ce qu’une conduite d’eau en cuivre, mais qui le fait admirablement bien.

. Un lieu qui vous ressource ?

La nature ! Je trouve qu’elle renferme une source inépuisable de beauté, qu’il s’agisse du monde animal ou végétal. Un soleil qui se lève à l’horizon c’est inégalable. Voilà ce qui me ressource et m’aide à prendre du recul. La nature nous enseigne également l’acceptation. Accepter que les choses ne soient pas parfaites, qu’elles soient comme elles sont. Le naturel est déjà très beau.

© – Laurent Barranco

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