Quand la transparence dévoile ses secrets

Celui qui porte son regard au travers des fentes du portail en acier Corten de cette contemporaine bordelaise se croira face à un bunker né d’un cubisme architectural et qui aurait poussé dans un vaste jardin.

Pourtant, derrière les lignes géométriques du béton, se cache une vaste maison de maître de 250 m2, ouverte sur la nature qui l’environne par un jeu de transparence : transparence des vastes baies vitrées de la pièce à vivre et limpidité de l’eau de la piscine de verre.

Le secret le mieux gardé est pourtant ailleurs, au cœur même de cette maison, réalisée en 2010 par l’architecte Alfred Chidiac. S’inspirant des palais orientaux et de leurs cours successives à l’accès de plus en plus privé, il conçoit trois espaces distincts au cœur desquels se trouve l’écrin dérobé à la vue : le patio. La conception architecturale répond ainsi à une pensée hiérarchisée des espaces, du commun à l’intime, du transparent au secret. Préférant la verticalité à l’horizontalité, Alfred Chidiac choisit de séparer les trois environnements en demi-niveaux qui s’articulent autour du patio : la pièce de vie ouverte à tous, l’aile des enfants et des amis et l’aile parentale, elle seule ayant accès au patio. Cette représentation de l’espace répond au mode de vie des maîtres des lieux, qui veulent autant recevoir que profiter de leur intimité. Enfin, pour intégrer à la maison un garage et un studio indépendant, l’architecte imagine un demi-niveau supplémentaire en soubassement. Afin d’ouvrir cet espace au jardin et lui apporter la lumière naturelle, une large cour anglaise fleurie et verdoyante en ceint les murs adjacents.

© Alfred Chidiac
© Alfred Chidiac

Une pièce de vie inside/out

L’entrée dans la maison se fait par un décroché dans la façade ouest qui réinterprète la marquise, avec des panneaux vitrés aux contours rectilignes soutenus par une poutrelle métallique. Le bois lavé récolté sur le bassin d’Arcachon accueille le visiteur tel un totem et tranche par sa douceur de ton et de forme avec les arêtes vives de l’entrée.

© Alfred Chidiac
© Alfred Chidiac

L’entrée s’ouvre sur une pièce spacieuse, à la fois salon, salle à manger et cuisine, de plain-pied avec la terrasse. Aucun mur autre que celui de la cheminée ne trouble la vue sur le jardin. Les espaces intérieurs et extérieurs sont séparés par une immense baie vitrée de
20 mètres de long maintenue par une charpente métallique apparente. Il s’agit là d’une véritable prouesse technique, avec face au jardin, trois baies de 4 mètres de long sur 3 mètres de haut. Les baies latérales peuvent coulisser derrière celle du milieu, offrant ainsi à la pièce 8 mètres d’ouverture sur l’extérieur. Au-delà de ces dimensions hors normes, le triple vitrage feuilleté utilisé est thermiquement très performant : il réchauffe la pièce l’hiver et la maintient dans un état de fraîcheur l’été, renforcée par une avancée en toile blanche tendue. Les verres produisent un effet miroir qui révèle toute sa magie le soir venu. La journée, ils procurent une douce intimité en réfléchissant la lumière, alors qu’à la nuit tombée, la lumière intérieure se reflète dans la pièce, offrant de l’extérieur l’image d’une habitation miroitante. Les habitants des lieux peuvent tamiser cet effet de transparence par des stores screens en toile tendue, voire par des volets roulants. Dans cette pièce inside/out, le mobilier et la décoration sont d’une grande sobriété, telles les lignes pures de la cuisine contemporaine d’un blanc immaculé.

© Sylvie Curty
© Sylvie Curty

Un espace entre-deux

Face à l’immense baie vitrée, l’escalier mène aux deux ailes de la maison, entièrement baigné de lumière par le vitrage donnant sur le patio. Quelques marches vers la gauche mènent à un couloir desservant la chambre des enfants, la chambre d’amis et leur salle de bains.

Cet espace plus intime de la maison donne en deuxième jour sur le patio à hauteur de fenêtre, sans vue directe toutefois, avec des cloisons japonisantes s’ouvrant sur un couloir. Les fenêtres de ces chambres sont deux bow-windows cubiques, dans le même verre à effet miroir que la pièce principale. Qu’ils aient fonction de bureau ou de lit, chacun de ces oriels rappelle l’effet inside/out de la pièce à vivre et installent l’occupant entre cocooning intérieur et naturel extérieur.

© Sylvie Curty
© Sylvie Curty

Un écrin parental

La partie droite de l’escalier, plus élevée, mène à la suite parentale et son jardin secret, le patio. Elle comprend une chambre tout en douceur aux lignes épurées, un dressing et une salle de bains. Baignée de lumière par les baies vitrées s’ouvrant sur le patio, elle est entièrement dissimulée de l’extérieur par des fenêtres très fines semblables à des meurtrières, qui contribuent à donner à la façade ses airs de bunker architectural. La salle de bains joue avec les apparences en alternant les miroirs véritables et les verres à effet miroir des fenêtres. C’est seulement par ce niveau réservé que le patio se dévoile entièrement. Cour intime et tranquille, il est le cœur caché autour duquel s’articulent les différents environnements de la maison. Tout de bardage en lames de bois vêtu, il offre un espace de détente et de douceur naturelle et méditerranéenne, avec ses oliviers et ses vignes. Dissimulé des regards extérieurs par sa situation centrale, mais aussi par son ouverture nord ajourée, cet écrin secret diffuse pourtant la lumière naturelle dans l’ensemble de la maison grâce à la transparence de ses parois vitrées miroitantes.

© Carré Bleu : Agretec à Artigues-près-Bordeaux. Système breveté Aquaglass
© Carré Bleu : Agretec à Artigues-près-Bordeaux. Système breveté Aquaglass

Une piscine de verre

Si la maison imaginée par Alfred Chidiac révèle des secrets d’architecture cachés derrière ses apparences, la piscine qui prolonge le panneau de la baie vitrée offre la vision d’un cube d’eau limpide et scintillante sorti du sol. Grâce au système breveté Aquaglass®, deux parois de verre de 12 millimètres d’épaisseur réunies par un joint d’étanchéité contiennent l’eau du bassin sur deux de ses côtés. Prises en feuillure dans le béton en partie basse, elles forment comme un bloc de glace bleuté et translucide. À la nuit tombée, les jeux de lumières miroitantes venues des verres de la baie vitrée provoquent une féérie de reflets à la surface et dans l’eau même de la piscine.

Par Hélène Tudela

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