ALEXANDRE NICOLAS : invitation au dialogue

L’artiste aux inclusions en cristal de synthèse n’a pas fini de faire parler de lui. Rencontre avec Alexandre Nicolas dans son atelier toulousain.

Connu pour ses inclusions en cristal de synthèse représentant des fœtus, il intrigue, divise et/ou rassemble. Ces réactions sont les raisons-mêmes de son art. Rencontre avec Alexandre Nicolas dans son atelier toulousain.

Stéphane Giner

Être artiste, est-ce un métier ou un mode de vie ?

Pour être un artiste qui sort du lot, l’art doit être nourri. Ce n’est pas un métier, c’est un mode de vie. Nous sommes tous des éponges qui absorbons l’extérieur, des émotions, des frustrations, des erreurs. L’artiste se doit de composer avec l’ensemble de ces éléments car faire de l’art quand tout va bien, ce n’est pas de l’art.

Pourquoi avez-vous choisi la sculpture ?

La dimension sculpture génère un rapport physique avec la matière et c’est ce rapport sensible à l’émotion qui me plaît. La sculpture est le résultat d’un ensemble culturel et émotionnel qui nous appartient.

Quel type de sculpture travaillez-vous ?

Je fais de la sculpture en résine d’inclusion, des pièces en bronze, mais aussi de la sculpture sur glace. L’aspect éphémère de ce type d’œuvre me plaît beaucoup.

Vous sortez beaucoup de pièces ?

J’en sors entre 50 et 60 par an, mais j’aimerais pouvoir en réaliser davantage. J’ai fait une série sur Les Prédestinés, un hommage aux grands artistes, de la porcelaine sur les vanités, sur les poules de luxe et plus récemment une série sur les esclaves.

Que souhaitez-vous transmettre à travers cet art ?

Je crée toujours dans une optique de partage, je suis en attente de questions et de réactions. Chacune de mes pièces a un contrepoids. La raison-même de mon travail de création, c’est cet instant où la personne en face va se questionner, éprouver une émotion, provoquer un dialogue.

Alexandre Nicolas

Vous avez déjà fait face à des réactions négatives ?

Bien sûr, et j’adore ça ! Lorsque j’ai présenté un Adolf-fœtus dans ma série Les Prédestinés, les personnes ont été choquées. Car ce sont des générations qui ont connu la guerre.

D’ailleurs, quelle était votre démarche lors de sa création ?

Il s’agissait d’humaniser l’inhumain, de lui donner cette possibilité d’exister. Hitler était destiné à être un monstre, car nous avons tous un Mister Hyde en nous qui se révèle plus ou moins. Or, ce monstre en question a vraiment existé. Et ce qui compte le plus pour contrer cette réalité, c’est d’éduquer.

Vous communiquez à travers vos œuvres ?

Mon média à moi pour communiquer, c’est l’acrylique. Avec ça, je peux dénoncer des choses et échanger. Je suis libre de m’ex- primer grâce à mon instinct. En maîtrisant les codes de l’art et de la sculpture, je sais créer un décalage qui sera intentionnel mais dont je ne connais pas le résultat. Cela s’appelle la sérendipité.

Quelles sont vos influences ?

J’ai évolué dans un environnement artistique. Les années 70, c’est la musique funk, le disco. Puis sont arrivées les musiques expérimentale et électronique. J’ai été influencé par le rock’n’roll et le punk. Pas seulement par la musique, mais aussi par leur manière d’appréhender le système.

Et les mythologies ?

Évidemment, j’y suis très sensible. J’interprète souvent les mythes grecs et égyptiens dans mes œuvres. Mais pas seulement ! Pour moi, cela comprend aussi les super-héros de bandes dessinées et de la science-fiction qui sont une transcription moderne de la mythologie.

Une œuvre préférée ?

La dernière. J’ai travaillé sur l’obscurantisme à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo. J’ai collaboré avec le brodeur de luxe toulousain Nicolas Messina sur une vraie burqa d’Afghanistan. Nous avons sublimé un objet de soumission dans le but de provoquer un dialogue. Cette femme est-elle vraiment esclave de sa condition religieuse ou est-ce une forme de théâtralisation de sa situation, un déguisement ?

À l’image d’Amish Kapoor, une œuvre gigantesque exposée dans un lieu public vous fait rêver ?


J’aime beaucoup cette référence. Pour moi, ce n’est pas la taille qui va provoquer la discussion. L’important, c’est d’avoir un propos. Sans propos, il n’y a pas de sculpture. Si le visiteur éprouve un senti- ment bizarre face à l’une de mes œuvres, c’est que le pari est réussi.

Des nouveautés en 2018 ?

J’ai exposé dernièrement à la foire d’art contemporain Art Up ! à Lille et à Yverdon-les-Bains en Suisse avec la série Dark Vador. Une grande exposition de ma série sur les luminaires m’attend à Anvers au mois de mai. Je serai également à Bruxelles, en Israël et à New York.

Alexandre Nicolas

Biographie

Alexandre Nicolas, artiste plasticien, est né à Toulouse en 1970.
Il vit à Toulouse et travaille entre Paris, Limoges et la Ville rose.
Ce sculpteur punk est issu d’une formation de designer industriel, qu’il a suivi après avoir fait des études aux Beaux-Arts.
Son œuvre phare ? Les inclusions en cristal de synthèse qui semblent suspendre le temps…


 

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